Les Conséquences de la traite négriére pour la France et l'Europe
Ce bénéfice est-il à l'origine du démarrage industriel de la France et de l'Europe ! Pour l'historien Jean-Michel Deveau la réponse est négative pour le financement direct de la révolution industrielle.
Par contre, la traite négrière a favorisé l'émulation industrielle entre les pays européens, et permis l'accumulation de savoir-faire dans l'industrialisation progressive des villes pour produire le textile, les produits métallurgiques, et autres marchandises à troquer contre des esclaves en Afrique.
L'estimation globale de cette production (nécessité par le commerce triangulaire) n'a encore jamais été faite, mais il semble qu'en France, en incluant l'activité des raffineries de sucre, un français sur huit travaille plus ou moins directement dans cette mouvance.
De la Baltique au sud de la péninsule ibérique, toute l'Europe se fait la complice du commerce triangulaire. (J.M. Deveau, La France au temps des négriers, Paris, 1994). Dans les cargaisons d'un navire négrier français et " les listes de marchandises embarquées par les négriers se répètent dans tous les ports avec une inlassable monotonie ", on trouve :
- des textiles (guinées, indiennes, etc.) venant de Cholet, Rouen, Nantes,
- des toiles de lin très blanches, des toiles du Dauphiné, d'Alsace, de Carcassonne, mais aussi d'Angleterre, de Silésie, de Saxe, de Westphalie, de Hollande,
- des armes, très convoitées par les africains. Plusieurs pays produisent en série les fusils de traite, en général assez lourds et longs. L'Europe en aurait produit 6 à 7 millions au cours du XVIIIe siècle. Les négriers français les achètent à Tulle et à Chateaubriand, mais également au Danemark, à Liège, à Birmingham dont les ateliers fonctionnent déjà à plein pour les besoins de la " traite anglaise. "
- avec les fusils, l'Europe déverse aussi des milliers de tonnes de poudre et de plomb " plongeait l'Afrique dans une dépendance totale ".
- des métaux : barres de fer de grande qualité (de Suède et d'Espagne).
- des sabres et couteaux flamands.
- du cuivre acheté en Angleterre.
- de l'étain du Portugal.
- des bijoux, en corail rouge ou en perles de verre appelées rassades qui sortent par millions des ateliers de Bohème et de Murano.
- des alcools,
- du tabac, monopole des portugais,
- des pacotilles,
- des vivres. Pour tenir longtemps en mer le capitaine embarque des viandes salées, des fromages cuits, de Suisse, de Milan, de Hollande, des céréales, des biscuits, du vin, de l'eau…
Si la traite négrière favorisa l'activité des ports maritimes, son impact économique s'étendit à toute l'Europe. " Au XVIIIe siècle, le terme de pacotille désigne la marchandise qu'un capitaine ou ses officiers ont le droit d'embarquer pour faire du commerce pour leur propre compte…
Les listes de pacotilles montrent que les marchandises sont exactement les mêmes que celles de la cargaison… De son sens premier désignant une activité marginale reposant sur des sommes infiniment moindre que celle de l'expédition, on est passé à la notion de commerce de peu de valeur, et de là, à la dépréciation de la marchandise concernée.
Selon Littré, cela a dû se passer vers 1835, date qui n'est pas innocente puisque, à cette époque de reprise de la colonisation, on n'a pas intérêt à présenter l'africain sous un jour flatteur. "